Dans les précédents billets, nous signalions les résultats très favorables obtenus sous l’outil RT 2005. Nous avons donc cherché à y voir un peu plus clair en comparant, sur une dizaine de projets basse consommation et passifs que nous suivons quelles étaient ses différences et comment elles pouvaient s’expliquer.
Nota : les projets sont saisis au même stade d’avancement et donc avec les mêmes compositions, et des scénarios d’usage relativement proches. Nous utilisons le logiciel de Perrenoud U21win pour la RT et Pleiades+Comfie pour la simulation dynamique. Nous ne comparons que des maisons individuelles plutôt très performantes
Vous trouvez un rappel sur le fonctionnement de la RT 2005 ici
A – Comparaison besoins de chauffage en kWh selon méthode RT et STD
Le diagramme compare les besoins de chauffage bruts en kwh (donc avant intégration du rendement de l’appareil) selon les deux méthodes de calcul, en bleu la RT et en rouge la STD. En fonction des projets, on observe des différences qui vont de -33% (4) à +339% (5).
Il y a donc bien quasiment toujours une sous estimation des besoins de chauffage du logiciel réglementaire quand on le compare à un calcul physique. Toutefois, il n’y a pas de règle de surévaluation : les différences sont variables selon les projets et leurs spécificités. Un des projets est au contraire surestimé par la RT.
Ces différences sont extrêmement considérables, et amènent le bureau d’études à devoir se poser des questions sur la pertinence des résultats annoncés au maitre d’ouvrage : celui ci pourrait en effet être amené à penser que le bureau d’étude s’est trompé dans son calcul en comparant le résultat annoncé par la RT à sa consommation réelle qui est plus de deux fois supérieure.
Plusieurs projets sont suffisamment intéressants pour qu’on s’y arrête un moment.
I – Une maison passive construite dans le centre de la France, chauffée avec un petit poêle à bois buches.
(Valeurs exprimées en kWh sur le tableau et graphique)
Le diagramme présente le besoin de chauffage, besoin d’eau chaude (hors pertes de distribution), les auxiliaires vmc, et l’éclairage. L’estimation des besoins de chauffe est 3 fois plus faible, ce qui tend à montrer que les écarts les plus importants dans les calculs réglementaires se constatent sur les maisons passives (besoin enveloppe 15kwh/m²). Le calcul de l’eau chaude RT étant basé sur une formule rapportant le besoin en fonction des m² de la maison, il est plus élevé que le calcul rapporté aux nombres d’occupants (méthode SOLO –calcul en ligne ici-). Cette maison est chauffée avec un poêle à bois buches, et pour répondre à la RT, un chauffage de complément électrique est mis sur les 25m² restants. La production d’eau chaude est solaire et l’appoint (30%) est électrique. Une VMC double flux ventile la maison. Cela peut paraitre surprenant mais la maison est tout juste BBC-Effinergie alors qu’elle est passive (46.6 pour 50). On peut donc voir à quel point la prise en compte des poêles à bois est vraiment défavorable sur le BBC, puisque l’enveloppe du bâtiment doit se situer au niveau du passif pour prétendre au label basse consommation.
II – Une maison basse consommation construite dans le sud de la France, chauffée avec une chaudière bois granulés.
L’estimation des besoins de chauffe est la aussi largement plus faible avec l’outil RT. La maison a une performance moindre que le premier projet (performance enveloppe de 29 kwh/m²), mais du fait de la prise en compte d’une chaudière granulés pour le chauffage et l’eau chaude (sans capteurs solaires thermiques), elle se retrouve avec un Cep deux fois plus faible que la maison passive (19.9 contre 48). Le CepBBC tient compte de la déduction du photovoltaïque et dans ce cadre, la maison est quasiment « positive » (3.6). Le projet est donc intéressant car il démontre bien que le choix des équipements est largement prépondérant pour le label. Mettre une chaudière granulés ou une pompe à chaleur est 2 fois plus favorable que la mise en place d’un poêle.
III – Une maison solaire bioclimatique construite dans le centre de la France, chauffée avec un poêle à bois.
Ce projet est intéressant parce qu’il montre que lorsque le projet fonctionne sur une démarche solaire bioclimatique (ici une serre encastrée et une inertie importante pour stocker et restituer les apports solaires passifs), les besoins de chauffage sont largement surestimés par le logiciel RT car il ne tient que peu compte de l’inertie comme facteur de réduction des besoins de chauffe. Cet aspect est très pénalisant puisque le logiciel RT regarde la valeur Ubat du projet pour apprécier la performance de l’enveloppe. Et dans le cadre d’un chauffage par poêle à bois demande une réduction du Ubat de -25% par rapport au UbatRef. Ici il n’est pas atteint, donc le projet peut être refusé à la labellisation alors que son besoin de chauffe calculé en simulation place le projet à 19 kWh/m², donc très performant, quasiment passif.
B – Comparaison besoins de chauffage en kWh/m² et coefficient Ubat
Nous nous sommes ensuite intéressés au rapport entre la valeur Ubat définie dans la RT2005 et le besoin brut de chauffage par m² calculé sous STD, car cette valeur Ubat définit pour la RT la performance de l’enveloppe.
On s’aperçoit la encore que le rapport entre les deux données, qui sont sensées être compatibles, sont loin de l’être dans la réalité. On observe que le besoin de chauffage peut être très faible même si la valeur Ubat n’est pas faible, lorsque le projet mise sur les apports solaires et l’inertie pour être performant. Sur les maisons qui misent sur la « sur-isolation », le coefficient Ubat est proche en proportion des besoins de chauffe.
Concluons :
Nous avons fait cette comparaison car la RT2005 est applicable jusqu’en 2012. Elle donne donc un cadre valable jusqu’à la prochaine réglementation. Etant la démarche utilisée pour distribuer les subventions (crédits d’impôts BBC) ou la plupart des appels à projets région, l’obtention d’une bonne valeur avec le logiciel RT est donc souhaitable. Pourtant, sa procédure met à l’écart des projets simplement parce que le logiciel n’a pas été conçu pour correctement évaluer les performances réelles des projets bioclimatiques, qu’il surestime. La performance réelle est dans quasiment tous les cas mal évaluée par le logiciel, quelque fois dans des proportions considérables. Dans ce cadre, il serait souhaitable que les régions qui soutiennent les bâtiments basse conso systématisent l’étude dynamique et cessent de se focaliser uniquement sur la « sacro sainte » RT 2005. Le comparatif met enfin en évidence que les poêles buches sont fortement pénalisés par la méthode RT, que leur couplage avec un ballon d’ECS électro solaire permet rarement de tenir la ligne du label BBC.
C’est édifiant ! Un grand merci à toute l’équipe de Fiabitat pour la qualité de ses analyses et la mise à disposition de ces informations aux intéressés. En tant qu’ingénieur-conseil travaillant seul, je ne peux me permettre de pousser aussi loin le comparatif RT/STD, mais cela confirme bien des incohérences de la RT et des « anomalies » découvertes au gré de mes études.
Je trouve que le paragraphe B manque de précision ou de clarté.
Dire que les données Ubat et Besoin/m2 sont sensées être compatible, cela signifie quoi ?
Besoin/m2, c’est quoi ? J’espère que c’est bien juste le chauffage car si c’est le Cep, cela n’a pas de sens.
Un bilan thermique c’est un bilan …. Il y a des gains et des pertes.
Il y a un lien entre les pertes par conduction et le Ubat. En diminuant le Ubat, on diminue ces pertes. Il n’y a pas de lien entre le Ubat (caractéristique de enveloppe) et les pertes par ventilation et fuite d’air parasite.
Ensuite il y a les apports solaire et interne, la valorisation de ces dernières grâce à l’inertie, … On peux avoir des gains très différents içi.
Bref le Ubat n’est que le reflet d’une partie du bâtiment. Ce n’est donc pas très étonnant qu’il n’y ait pas un lien direct entre Ubat et besoin/m2.
Dans ce cas, je vais modifier un peu ce paragraphe.
Les besoins au m² sont les besoins utile de chauffage, et si effectivement, vous avez raison de dire que le Ubat ne définit pas la performance de l’enveloppe, c’est malgré tout dans ce sens la qu’il est utilisé par la RT.
Pour les maisons chauffées avec un poêle, il faut que le Ubat soit 25% plus bas que le Ubat ref. Mais comme cette valeur ne traduit pas la performance du bâti, notamment pour les démarches bioclimatiques, on peut avoir une maison performante qui ne peut justifier de l’utilisation de ce système, à cause de ce choix d’astreindre le poêle au respect de ce critère supplémentaire.
Ok, c’est déjà trés bien de ne prendre en compte que les besoins de chauffage.
Pour moi, si, le Ubat caractérise la performance de l’enveloppe et que de l’enveloppe. Pas la performance du bati !
Je ne comprends pas que vous défendiez les maisons BBC et que vous critiquiez le fait de faire du Ubat 25% plus bas que la référence. Ce serait plutôt un point a ajouter quelque soit le mode de chauffage.
Le Ubat -25%, c’est juste faire 25% de mieux en termes d’isolation que la référence RT2005 …. C’est le mini quand on parle de basse consommation sinon c’est que l’on se « rattrape » sur les systèmes !
Oui, cela fait partie des choses que nous critiquons sur le BBC, mais nous sommes plutôt favorables à l’abandon des procédures complexes et la mise en place d’un indicateur qui est le besoin de chauffage en kWh/m².a.
Et bien je trouve ce seul critère insuffisant. Cela signifie que l’on a pas une approche globale qui englobe l’origine de l’énergie.
15 kWh/m2 de besoin approvisionné par de l’électrique direct ce n’est pas pareil que 20 kWh/m2 approvisionné par du bois.
Je ne dis pas que la situation actuelle est correcte loin de là mais l’idée de l’approche globale est plutôt bonne même si elle est a améliorer.
Non non, il ne faut pas utiliser un seul critère. Sur l’article précédent, nous mentionnons d’ailleurs toute la liste des critères qui amènent à une définition du bâtiment basse conso.
Le coeff Ubat et son remplaçant dans la future RT2012 doivent être remplacés par une valeur en besoin ch en kWh/m². Le coeff en énergie primaire doit être étudié pour déterminer ses limites et pondérations, mais il doit être maintenu, et associé à un coeff en GES maximal, et une vraie étude du confort d’été, etc…
Dans vos exemples, les besoins de chauffage RT2005 sont quasiment toujours plus faible que ceux calculés avec Comfie-pléiades.
Il serait intéressant de savoir pourquoi. Est-ce que le moteur de calcul n’est pas bon ? N’est-ce pas plutôt que les données d’entrées sont parfois trop éloignés.
Le cadre RT2005 fixe un certain nombre de paramètre. Avez-vous mis les même dans l’autre logiciel ? Ce n’est pas la même chose de remettre en cause les données d’entrées parce qu’eventuellement pas adapté que de remettre en cause le moteur de calcul.
Par exemple.
Pour les apports internes qui sont proportionnellement très important dans une maison basse consommation, avez-vous les mêmes données d’entrée dans les 2 cas. ( ex 3 W/m2 d’écart c’est plus de 5 kWh/m2 sur le résultat final …. cela dépend bien sur de la région)
Pour les pertes par fuites d’air parasites, est-ce vraiment pris en compte de façon précise dans la méthode STD ?
Bien compris qu’intrinsèquement la méthode RT n’est pas adapté au projet avec grosse serre bio climatique mais pour le reste, j’ai l’impression qu’une partie des écarts proviennent justement en partie du scénarios pleiades qui n’ai pas forcément conforme à la celui figé de la RT.
Alors, je viens de vérifier mais dans le logiciel RT, les apports internes ne sont pas définissables, c’est une hypothèse non « éditable ». Mes apports internes dans Pleiades ont été calés par rapport au PHPP, ils sont proches de 2.1 w/m².
Pour les fuites d’air parasites, c’est assez compliqué à modéliser. C’est une hypothèse éditable dans le logiciel RT, ou l’on peut rentrer la valeur Q4. Dans le logiciel de simulation, j’utilise les données du rapport du CETE de lyon qui donne une valeur de renouvellement d’air moyen du aux fuites en fonction d’une valeur n50, qui me permet de tenir compte de ce paramètre indépendament de mon système de ventilation.
Je prends en compte également la dégradation du rendement de récupération de chaleur du à ce niveau d’étanchéité, selon la courbe du CETE. Il me semble par contre que le logiciel RT ne le fait pas, puisque l’on rentre le degré de disponibilité thermique. C’est je pense l’une des causes qui explique la différence.
La principale cause à mon avis, c’est que le logiciel considère d’un point de vue « statique » les déperditions de chaleur, donc l’augmentation des valeurs U des parois donne de très bons résultats. En simulation dynamique, pour que le besoin soit diminué, il faut que toutes les parois soient isolées de manière homogène, et on a un écrasement du gain énergétique à mesure ou l’épaisseur augmente.
Bonjour,
L’analyse est intéressante, mais à ce point c’est encore difficile de tirer des conclusions…
Pour ma part j’ai un projet de construction de maison individuelle BBC ; j’ai effectué moi-même l’étude thermique avec Climawin ; j’ai également accès à Pleiade, donc le sujet m’intéresse.
Question préalable : les données météo sont-elle bien les même ? J’avais lu un article (de B. peuportier il me semble) qui comparait les données météo ; elles n’étaient pas les mêmes entre RT2000, RT 2005 et Pleiade.
Avez vous saisi les mêmes valeurs pour l’éclairage ?
Merci en tout cas pour votre travail que je suis régulièrement.
Bonjour,
Travaux très interressant !
Au sujet de l’encodage du poêle à bois dans la RT, je sais qu’il faut se baser sur l’arrêté du 9 juin 2009 mais celui-ci n’est pas très explicite. En effet, il précise de modifier la variation spatiale/temporelle…mais ne précise pas de quel type de générateur l’on doit partir.
Je suppose qu’il faut partir d’une chaudière bois ! mais de quelle tye ou classe ?
D’avance merci,
Dans les règles th-c de la RT2005, le niveau des apports internes est fixé a 5w/m2 en occupation. Ce n’est pas définissable dans le logiciel RT car c’est définit dans la réglementation. Cela devrait déjà provoquer des différences non négligeable avec une base de 2.1W/m2.
3W/m2 d’écart, cela peut faire facilement quelques kWh/m2 de différences ….
Le scénario de température est-il aussi le même ?
A priori la courbe du CETE sur la dégradation de récupération de chaleur est justement calculé a partir de résultats de données issue de calcul réglementaire …
La valeur de renouvellement d’air moyen du aux fuites est justement une valeur moyenne qui peut différer suivant les conditions météo (vent et différence de température int/ext) et devrait donc être spécifique au projet. Aucune idée de l’impact réelle de l’approximation.
On a un choix dans les logiciels désormais de saisir avec un poêle comme générateur. On n’est plus obligé de simuler une chaudière.
Les données météo peuvent conduire à une variation car on a la possibilité de constituer un fichier météo local à partir des données à jour de meteo france sur une ville proche. Je rappelle que le sujet ne visait pas à faire une comparaison du moteur de calcul mais à rapprocher les résultats obtenus selon les deux méthodes. Le choix des données météo fait partie de la « méthode ».
C’est un peu pareil pour les apports internes, lorsque je disais que la somme des apports était approximativement égale à 2.1 w/m². Les scénarios d’apports sont constitués pièce par pièce par des scénarios de présence et de dissipation des appareils.
Cela dit, sur une construction passive, si on force la valeur des apports internes pour passer de 2.1 à 5, on gagne environ 10 kwh/m². Cela semble être la principale source de différence entre les méthodes.
Les données météo sont constituées sur une période de référence à partir de fiches climatologiques mensuelles, qui sont compilées par Meteonorm ou Meteocalc. Entre 2000 et 2005, les données utilisées ont changé, passant de 1960-1990 à 1970-2000. Comme la décennie 1990-2000 a été très chaude, les données moyennes sont plus favorables en hiver.
Bonjour,
Il me paraît maladroit de présenter une comparaison de logiciel sans savoir ce qui est calculé dans chacun d’eux.
Pour info :
– l’étanchéité à l’air en RT2005 est calculée en fonction de la dépression du système de ventilation, du Q4, du tirage thermique et des effets du vent, tout ceci au pas de temps horaire. On retombe approximativement sur les courbes moyennées du CETE.
– pour le scénario d’apport interne il faut prendre en compte la répartition hebdomadaire de la RT2005 pour répartir les 5W/m². ET AUSSI : ajouter la dissipation de l’éclairage qui vient en plus et dépend de l’éclairage naturel (donc de la surface des baies + météo)
– les températures de consigne : en RT2005 on ajoute à la consigne (16° en journée, 19 la nuit) la variation spatio-temporelle qui caractérise les émetteurs de chaleur et leur régulation. Il ne faut pas la sous-estimer en STD, notamment avec les poêles à bois…
J’ai déjà réalisé une comparaison à scénario identiques RT2005 / Pléiades, c’est très fastidieux de bien tenir compte de tous les scénario RT2005 mais au final on obtient le même besoin de chauffage.
La seule différence entre les deux calculs étant effectivement la prise en compte de l’inertie de transmission des parois et l’inertie interne du bâtiment.
J’adhère à votre démarche et oui les calculs RT2005 (donc aussi RT2012) sous-estiment les besoins de chauffage. Par contre votre comparatif me paraît un peu rapide.