Le premier aspect qui surprend dans la RT2012 est lié aux publications l’accompagnant. Ainsi, on apprend dans le dossier de presse du MEEDDM 1 :
« Une avancée majeure du Grenelle Environnement, sans équivalent en Europe : la généralisation des Bâtiments Basse Consommation (BBC), un saut énergétique plus important que celui réalisé ces 30 dernières années »
Or, lors de cette présentation, tous les contours de la réglementation thermique ne sont pas encore définis (notamment les décrets d’application et la méthode de calcul). La tentation est néanmoins déjà très forte de montrer la réglementation sous son meilleur jour ! Ainsi, la méthode de calcul et le coefficient Bbio deviennent une innovation jamais vue en Europe. Les ambitions que la RT esquisse sont loin devant celles des autres pays européens, même de l’Allemagne, telles que ses exigences seraient même comparables à la construction passive 2, référence très présente sur les présentations de la RT2012.
Si la RT2012 est sensée être une « évolution » positive, il conviendrait pour ses promoteurs de ne pas oublier d’où elle vient. La RT2005 a été une réglementation très critiquée, avec de nombreux manquements qui ont fait l’objet de rapports détaillés, tant elle posa des difficultés aux maîtres d’ouvrage souhaitant faire un bâtiment thermiquement optimisé. Le rapport Jourda 3, en 2007, pointait notamment une réglementation « ni ambitieuse, ni adaptée, ni réaliste ». Début 2008, le rapport Charignon 4 révélait les principaux freins réglementaires rencontrés par les bâtiments tendant vers le passif et le durable, dus à « l’inadaptabilité du moteur de calcul réglementaire ».
Il ne faut pas oublier également la difficulté rencontrée plus récemment par les régions qui ont été, de manière inégale, les fers de lance d’initiatives « basse consommation », les amenant quelque fois à développer des indicateurs énergétiques non basés sur la RT2005. De plus, pour atteindre l’objectif de faire des bâtiments très performants, certains ont dû « contourner » les garde-fous de la RT dont le respect restait obligatoire.
On peut citer dans le même esprit les problèmes rencontrés depuis 5 ans par les bâtiments passifs réalisés en France. La plupart ne respecte pas la RT2005, qui impose des garde-fous non pertinents, notamment l’obligation de recourir à des moyens de chauffage par pièce 5.
Enfin, et c’est peut-être le point le plus problématique : les évaluations sur l’application de la RT2005 estiment que plus de 50% des constructions neuves construites jusque-là ne respectent pas la réglementation 6 ! Une telle statistique renforce le fait que fixer des règles ne vaut que si elles sont appliquées dans la réalité.
Enfin, la comparaison que font le CSTB et la DHUP 7 des performances de la RT2012 par rapport à celles de nos voisins européens implique un minimum de précautions par rapport aux paramètres de saisie et périmètre de calcul, qui biaisent les comparatifs et de fait les rendent très complexes. Par exemple, la réglementation allemande, bien en avance en 2007 par rapport à la RT2005 est effectivement en dessous des critères de la RT2012. Ce qui permet au dossier de presse d’affirmer que la réglementation 2012 est sans équivalent en Europe. Mais c’est oublier qu’en Allemagne, la EnEv 8 2009, puis la EnEv 2012 ont relevé leur seuil de performance de 30% à chaque fois. Ainsi, si l’on compare aux dates d’application, à configuration climatique égale 9, la réglementation allemande est plus ambitieuse. De plus, elle est beaucoup plus appliquée dans la réalité que la réglementation française.