Un bâtiment passif est une construction (ou rénovation) ou les déperditions de chaleur ont été réduites à un minima qui permet de se passer de système de chauffage conventionnel. Cet objectif est même un enjeu puisque la balance économique du projet justifie les sur-investissements vers une meilleure isolation, des vitrages performants et une ventilation double flux par le fait que cela permet de sous-investir sur les moyens de chauffage : il ne sera pas nécessaire pour assurer le confort en hiver d’avoir une chaudière, avec son réseau de plancher chauffant ou radiateur.
Mais ou se cache la chaudière et les radiateurs sur ce schéma présentant le concept passif ?
Cela dit, une construction passive n’est généralement pas sans chauffage. Pour cela, il faudrait que les besoins de chaleur soient ramenés à 0 kWh/m².an;. C’est possible techniquement, mais sur des bases non réalistes financièrement : il faudrait que les murs aient une épaisseur d’isolation de 60 cm, des vitrages avec une valeur Uw de 0.2 W/m².K, des ventilations parfaites… Les produits n’existent pas sur le marché et les coûts de construction explosent. Ce n’est donc pas intéressant pour le moment.
La recherche du meilleur rapport qualité/prix
Le concept du passif selon le référentiel de l’institut de la construction passive de Darmstadt part donc de ce constat et recherche le meilleur rapport investissement/couts de fonctionnement. Et observe qu’à partir du moment ou le réseau de ventilation double flux peut servir à la distribution de chaleur sur le bâtiment, les couts d’investissement sont réduits puisqu’il n’est plus nécessaire de prévoir un réseau dédié pour cet usage. On constate également que ce moyen d’acheminement de chaleur est très limité, puisque conditionné par le taux de renouvellement d’air, il faut donc que la puissance de chauffe nécessaire pour chauffer le bâtiment soit très faible.
La valeur garde fou retenue par le PHI (institut de la construction passive de Darmstadt) pour l’utilisation de la VMC comme vecteur de la distribution de chaleur est de 10 W/m². Donc, une maison de 100 m² devra disposer d’un appareil de 1000 W pour compenser les déperditions de l’enveloppe et maintenir une consigne à 20°C. Cela veut dire, lorsque la chaleur est distribuée via le réseau de ventilation par exemple, que si la VMC insuffle dans une pièce de vie 30 m3/h pour l’aération de la pièce, si cet air est porté entre 40 et 50°C, c’est équivalent à un radiateur de 250-300 W dans la pièce, et est donc suffisant pour maintenir l’ambiance à 20°C, quelque soit la température extérieure.
Concernant la question du confort. Lorsque l’on ventile 30 m3/h dans une pièce, c’est imperceptible, on observe ni courant d’air, ni bruit ni assèchement de l’air.
Par ailleurs, la période de chauffe étant réduite aux jours les plus froids de l’année, l’utilisation du système de chauffage est souvent inférieur à 400 heures par an. La plupart du temps, la construction maintient donc un climat « d’intersaison » à l’intérieur de l’enveloppe isolée. C’est donc satisfaisant en tous points.
Cette solution est donc utilisée avec succès dans de nombreuses constructions passives. Dans la mesure ou le bâtiment est très bien isolé, la quantité de chaleur à acheminer est très faible et sur de très courtes périodes. Cette équation permet en moyenne de réduire la facture de chauffage à 0.8€/m² habitable, ce qui est exceptionnellement faible.
Il faut bien comprendre que les exigences du référentiel passif sont toutes basées sur le fait que l’objectif est de chauffer via le réseau de ventilation. Le besoin de chauffage maximal est fixé à 15 kWh/m².an; parce que c’est généralement autour de ce niveau de performance d’enveloppe que la puissance utile de chauffe devient inférieure à 10 W/m². Un test d’étanchéité à l’air validant un très faible niveau de fuites (n50 < 0.6 vol/h) est également justifié par le fait que les VMC ont un rendement qui chute à proportion de la quantité de fuites. Toutes les exigences du passif ont donc un sens.
Chauffer via la ventilation peut se faire soit à partir d’un appareil « multi énergies », qui est une VMC couplée à une pompe à chaleur qui réchauffe l’air insufflé en puisant ses calories sur l’air rejeté, et produit également l’eau chaude sanitaire, dans un appareil tout en un.
Soit par un caisson double flux classique, sur lequel on ajoute sur l’air insuflé une batterie de chauffe. La batterie peut être à eau chaude, dans ce cas, c’est le ballon qui produit l’eau chaude sanitaire qui réchauffe la maison, soit une batterie électrique. Par exemple comme ceci :
Les freins
Le développement du passif en France se heurte toutefois à trois contraintes :
– Le moyen de chauffage via le réseau de ventilation n’est pas « légal » en l’état, car la RT 2005 fixe un garde fou qui impose de disposer d’un moyen de régler la température pièce par pièce. Ici, les bouches de ventilation ne sont pas « calibrables » vu que ce sont celles de la VMC. On pourrait utiliser des bouches motorisées avec sonde d’ambiance dans chaque pièce pour régler finement le débit et la température de soufflage mais ce n’est tout simplement pas utile et alourdit sérieusement le budget. Cette règlementation, qui au départ part d’un bon sentiment (assurer le confort thermique pour tous) n’est pas adaptée à la stratégie de construction passive, le plus simple aurait donc été que celles ci bénéficient d’un régime dérogatoire, mais pour le moment la situation est bloquée.
Dans le cadre de la maison individuelle, ce n’est pas très grave car le respect de la RT 2005 n’est pas vérifiée d’une manière générale, mais dès l’instant ou le projet postule à des aides ou crédits d’impôts, cela coince.
– Les fabricants sont frileux à proposer des solutions de type « multi-énergie » en France. Ainsi, si l’on prend par exemple le produit développé par Viessmann, la Vitotres 343, qui est fréquemment utilisée en construction passive, le fabricant ne veut tout simplement pas l’importer sur le territoire français. Les professionnels n’étant pas formés pour sa pose, la réticence du fabricant peut se comprendre, mais cela ne facilite pas la diffusion du passif sur le territoire français.
Les constructions passives ont donc soit le choix de passer par des chemins de traverse pour se procurer les produits, soit de passer par les quelques marques qui sont diffusées en France (Nilan, Paul Ventilation, Drexel…) mais sur lesquels il n’existe pas de maillage national de professionnels en maitrisant la pose et la maintenance.
– Comme le relève justement Citemaison.fr, la valeur des 15 kWh/m².an; ne donne pas sur une grande partie du territoire une puissance de chauffe inférieure à 10 W/m², mais plutôt 12-15 W/m². Lorsqu’un projet construit en France est validé sur le logiciel PHPP avec un besoin de chaleur inférieur à 15 kwh/m².an, il est probable qu’il ne valide pas la contrainte définie par le PHI pour chauffer via le réseau de ventilation. Les débits de ventilation réglementaires seront insuffisants pour chauffer l’air insufflé et assurer une consigne de température à 20°C.
Cela dit,
Si l’idée de départ de la construction passive est de produire des bâtiments très performants, la mise en avant du chauffage par la ventilation est surtout une proposition d’ordre économique, car c’est le moyen le plus simple et le moins couteux de chauffer ce type de construction. Ainsi, un chauffage via batterie à eau chaude (voir schéma précédent) coute en moyenne autour 500 euros pour une maison individuelle, puisque la VMC double flux et son réseau existe. On aurait également la solution de mettre des radiateurs électriques (moins écologique), ou un poêle à bois buches ou granulés (plus difficile à réguler son fonctionnement du fait des faibles besoins et plus couteux).
Il faut ajouter qu’une grande partie du casse tête pour chauffer une maison passive est dû aux inadaptations de la réglementation thermique. Ainsi, soit le maitre d’ouvrage renonce à toutes aides et met en place le système qu’il souhaite, soit il veut obtenir le label BBC-Effinergie ou se situer dans une démarche Qualitel et dans ce cadre, ni chauffage électrique, ni poêle à bois (si grandes surfaces) ne seront permis, ni chauffage via la ventilation. Nous avons déjà eu, sur des projets de bâtiments passifs collectifs, le cas ou le respect de la RT2005 contraint le maitre d’ouvrage à rester sur un chauffage conventionnel avec radiateurs. C’est donc au final le maitre d’ouvrage qui paie les inadaptations réglementaires.
Enfin, même si une construction passive à une puissance de chauffe supérieur à 10 W/m², cela n’invalide pas pour autant le concept passif, comme cela est parfois dit sur le ton du « on vous a menti, ça ne marche pas ». Cela signifie juste que pendant les périodes hivernales, il faudra apporter 45 m3/h dans la chambre au lieu d’en apporter 30. Les VMC double flux et systèmes multi énergie sont tout à fait en mesure d’apporter ce surplus de chaleur, l’un des seuls points à soigner dans ce cadre est l’acoustique du réseau, pour éviter que cela soit perçu comme de l’inconfort par les occupants.
Merci pour cette analyse, une nouvelle fois pertinente. En espérant que la prochaine RT nous évite ce genre de problèmes… réglementaires. Et qu’effinergie nous sorte un label BPAS pertinent !
J’imagine que cette mise en exergue du problème de la régulation terminale est lié à votre retour d’expérience sur des dossiers présentés à Promotelec et consorts…
Pour prétendre à un label BBC, on en serait donc réduit à faire des maisons passives avec poêle à bois pour bénéficier de la dérogation de régulation terminale (titre V). Le plus difficile étant alors de trouver un poêle de très faible puissance (si vous avez des marques, je suis preneur) et/ou de s’accommoder d’une régulation hasardeuse dans la pièce principale.
Quant aux VMC « multi-énergies », le « tout nouveau » système français d’Aldes est doté d’un échangeur à faible rendement (60%) et couplé à des batteries terminales (électriques ou à eau chaude) pour rester réglementaire… peu intéressant donc.
Et visiblement Viessmann ne prévoit pas une demande de « titre V – système » pour ses produits : ils ont bien flairé le vent de la performance énergétique « à la française »… 😉
Bonsoir, pour ce qui est des poêles de faible puissance le Minic de Artense semble correspondre, Cédric du blog « passive et économique » en parle dans son billet: http://www.passive-eco.fr/projet/chronique-fevrier-2010/
Le seul problème que l’on pourrait y voir est qu’il ne dispose pas d’une arrivée d’air extérieure.
++
Alain
Je suis un peu dubitatif sur la volonté de Effinergie de se consacrer au developpement d’un label passif (annoncé ici : http://www.lemoniteur.fr/195-batiment/article/point-de-vue/698875-basse-consommation-effinergie-fait-le-point).
On verra la semaine prochaine aux assises l’effet de cette annonce… Ce serait tellement mieux si demain les acteurs du BBC effinergie (hors promotelec, cstb et dhup, je crois pas qu’ils aient encore envie de bosser ensemble) mais notamment les régions et les clusters qui bossent efficacement (mais avalent de sacrées couleuvres) se consacraient à collaborer franchement avec La maison passive france pour filer des aides locales et structurer les filières, sans être tentés de le faire en solo en jouant la concurrence avec les acteurs déjà impliqués.
Enfin, je rêve peut être.
J’ai jamais eu de régul terminale sur un dossier Promotelec. D’ailleurs, ca fait longtemps que je regarde tout ca de loin ^^ Mais c’est super cher et c’est un peu le même problème que la régulation des débits au niveau des bouches pour les VMC double flux, par rapport à la régulation par la VMC avec horloge de programmation. A un moment donné il faut faire un choix.
Pour la TZen, leur système est pas idiot. Plus le rendement de l’échangeur est bon, plus ca dégrade le COP de la PAC. Ils ont du faire un calcul économique. Mais c’est vrai que dans le cadre du passif, le produit fait un peu de la peine comparé à ses homologues.
En poele à bois, on a aussi Wodke et Attika qui proposent des produits adaptés.
On a pas fini de souhaiter (voeux pieu) une acceptation du passif dans les paramètres français. A l’heure actuelle, on est malheureusement dans la situation de construire très bien (passif) ou subventionné et plus ou moins efficace … (sic).
Pour le poêle, on a cependant abandonné le minic sur des problématiques d’arrivée d’air … pour aller (très probablement) vers un attika.
Salut Cédric, cela confirme donc les doutes que j’avais sur ce type de poêle. Dommage car il avait un bon rapport qualité prix.
Alain
de bonnes nouvelles de l’Europe à lire chez Pascal de MaisonPassiveNice (http://www.maison-passive-nice.fr/491-l-europe-consacre-l-habitat-passif-et-l-impose-aux-etats-a-compter-de-2019.html) … les lignes commencent à bouger en dur dans les textes … allez Courage Messieurs les politiques !
bonsoir Cédric, cela arrivera malheureusement trop tard pour nous… Mais c’est quand même une bonne chose si cela n’est pas dénaturé entre temps.
Alain
Il est quand même à noter que la loi grenelle I donnait aussi des objectifs « ambitieux » pour 2020, en ouvrant la voie du bâtiment positif. Il faudrait regarder si la directive apporte des éléments qui poussent dans un sens différent. Un des intervenants des assises, Mr Elsberger, qui travaille sur cette directive à la commission, a fait une présentation de la directive mais j’en ai retenu qu’ils avalisaient la loi grenelle et son exemplarité, pas qu’ils la remettaient en question.
La Directive, comme source de droit européen, s’impose sur les droits nationaux.
Il faudra certes qu’elle soit transposée dans chacun des droits des états membres avant son entrée en vigueur.
Elle a été adoptée par le Parlement européen. Il n’est donc plus question de revenir dessus.
Cela constitue donc un cadre légal européen obligatoire plus qu’intéressant.
Et du coup, les objectifs du Grenelle n’ont rien de transcendants.
Si la loi Grenelle venait à entrer en conflit avec la Directive, la transposition assurera la primauté du contenu de règles de la directive.
Bonjour Pascal,
Ce que tu dis est tout à fait juste. Mais je ne crois pas qu’il soit dans l’idée des français de ré-orienter le CSTB pour assurer une quelconque euro-compatibilité, et comme souvent le vice est dans les détails.
Vous voulez du bâtiment positif ? Pas de problème, la rt 2012 donne d’ors et déja des bâtiments dont le besoin de chauffage est inférieur à 15 kWh/m².an non ? Il suffit de comptabiliser favorablement les consommations réglementaires et de décompter avec un facteur 2.58 la production photovoltaique, et le tour de passe passe est joué.
La directive européenne peut-elle signaler que le nearly zéro doit se faire sur une température de consigne identique à tous les pays européens, mêmes surfaces, mêmes procédures pour le calcul des rendements des systèmes, mêmes facteurs de pondérations / énergie primaire ?
Si ce n’est pas le cas, les francais diront qu’ils sont les champions de l’application de la directive, avec des bâtiments RT2005 plus.
Bonjour est ce sain et légal de raccorder la batterie eau chaude sur un CET dans lequel il y a de l’eau destiné à l’alimentation ?
Bonjour,
Le schéma présenté ici est simplifié, mais évidement si vous optez pour une batterie chaude sur l’air soufflé, cela signifie que votre ballon dispose d’une sortie chauffage. C’est via un échangeur intégré au ballon que l’échange est fait, pas via le stock d’ECS évidement.
Cordialement,
Bonjour,
Quand est il des taux de brassage ? j’ai toujours entendu que pour chauffer ou climatiser par soufflage d’air un volume de brassage minimal de 5 fois le volume de la pièce traitée est nécessaire?
Cordialement.
Bonjour,
Non ce n’est pas une règle 🙂
Le taux de renouvellement d’air, et la température de l’air soufflé sont les 2 items qui permettent de connaitre la puissance de chauffe restituée. Mais du coup plus le batiment est isolé et plus le taux de brassage diminue. En démarche passive il est possible de chauffer juste avec 0.5 vol/h. S’il est nécessaire de faire 5 vol/h c probablement que le batiment est peu isolé, ou que la température de soufflage est basse.
Cordialement,