Retour sur les 4eme assises de la construction passive
La semaine dernière, à l’occasion du salon européen du bois et de l’habitat durable se déroulait sur deux jours les assises de la construction passive. Ces journées très riches ont été l’occasion de mesurer les avancées de la construction passive sur le territoire français.
Retour sur le contenu des journées et les perspectives pour le développement du passif
1- Présentation du plan Bâtiment du Grenelle
En premier lieu, Jérôme Gatier, directeur du Plan-Bâtiment du grenelle de l’environnement est venu présenter les travaux réalisés sur la mise en place de la nouvelle réglementation thermique en 2012. Pour rappel, l’organisation du Plan Bâtiment du grenelle a été confiée par le gouvernement à Mr Pelletier, avocat installé à Paris, qui est chargé de coordonner la mise en place des objectifs du grenelle de l’environnement, qui consiste à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment. Parmi les missions du plan grenelle se trouve la réglementation thermique pour les constructions neuves, mais également la précarité énergétique, la formation des professionnels du bâtiments, la transposition aux bâtiments publics et le tertiaire privé, la rénovation des bâtiments existants, etc. L’originalité du plan Bâtiment est qu’il est constitué par des acteurs et industriels du bâtiment essentiellement, qui participent à son élaboration. On voit sur cette page les différentes commissions qui ont été mises en place depuis un an. La présence du Plan Bâtiment était intéressante pour les assises, car il y a quelques « frictions » en ce moment entre les acteurs du grenelle et les acteurs du passif, du fait de la non reconnaissance des constructions passives pour les aides mises en place pour le bâtiment basse consommation en 2009, et de l’absence de volonté de fixer le passif comme objectif réglementaire à moyen terme.
En fin d’année 2009, Mr Pelletier avait notamment demandé aux acteurs de la construction écologique de lui faire remonter les problématiques rencontrées sur le terrain, ce qui avait donné lieu au cahier de doléance des acteurs de l’éco-construction coordonné par le réseau Ecobâtir. Mais depuis que ce document a été remis en Novembre, rien de concret ne se profile par rapport aux revendications spécifiques à la reconnaissance du passif, si ce n’est la prise de conscience que les acteurs de la construction écologique et du passif n’ont pas été et ne sont toujours pas représentés dans les commissions du plan Grenelle.
Si les freins « administratifs » de la construction passive ont de nouveau été présentés à Mr Gatier à l’occasion des assises, celui ci n’a pas laissé beaucoup d’espoir pour que cet état de fait change. La priorité du plan Grenelle est à la RT 2012 pour les bâtiments neufs, et à une réglementation ambitieuse pour les bâtiments existants.
Nous aurons l’occasion de revenir prochainement sur les premières publications des exigences de la RT 2012.
2- Présentation des actions de l’association Maison Passive France
Dans un second temps, l’association La maison passive France a présenté un bilan des premières constructions certifiées, ainsi que le cours CEPH.
Le sujet de la certification est assez complexe puisque si l’on comptabilise environ 130 constructions se revendiquant du passif en France, on ne retrouve que 6 maisons individuelles certifiées à ce jour. Il y a donc un vrai problème de comptabilité dans la mesure ou les projets se revendiquant passifs ne sont pas suivis ni référencés, sans compter qu’il est probable que toutes ses constructions n’aient pas été validées par le calcul PHPP et un test d’infiltrométrie. C’est un problème sous jacent de la non reconnaissance du passif au niveau des aides : comme les porteurs de projet ne peuvent compter sur aucune subvention liée à la performance de leur projet, pourquoi faire certifier le projet ?
C’est toute fois une problématique assez préoccupante. Par rapport à la certification BBC Effinergie, sur laquelle les techniques de chauffage ne sont pas différentes d’un projet standard, le passif repose sur un moyen de chauffage minimaliste, plutôt par le réseau de ventilation double flux. Le choix du passif ne permet pas l’approximation au risque d’aboutir à un bâtiment non confortable en hiver ou en été. La certification doit servir à cela : cadrer pour certifier les performances.
Jusqu’à présent, la certification des bâtiments français était contrainte par le fait que cette attribution était gérée par l’Institut de la construction passive en Allemagne, qui dans ce cadre, demandait notamment la traduction des pièces et descriptifs en allemand. Pas évident donc. Depuis l’année dernière, l’association française attribue en interne le label européen, par le biais de La maison passive Service. Il faut espérer qu’une communication efficace sera mise en place pour sensibiliser les acteurs du passif à recourir, par défaut, à la certification finale.
Le cours CEPH – concepteur européen certifié passif a également été présenté. Celui ci vise à donner un diplôme aux architectes et autres acteurs du passif reconnaissant leur compétence, après une formation d’une dizaine de jours à côté de Paris. Seul écueil : le nombre de stagiaires qui peuvent être formés par ce biais est faible. C’est suffisant par rapport au nombre de personnes s’impliquant dans le passif actuellement, mais à moyen terme il devra être décliné dans chaque région pour suivre le rythme de développement du passif.
3- Présentation des actions régionales
Dans un troisième temps, Dominique Marie, chargé de mission au conseil régional est venu présenter le bilan de la région Bourgogne en matière de construction passive. L’action de la région est très intéressante sur trois points.
– La région Bourgogne fait partie des acteurs historiques qui ont poussé à la création et au développement du BBC Effinergie. Pour soutenir cette démarche, un appel à projets a été lancé en 2007 en partenariat avec l’ademe, récompensant des projets obtenant, selon les méthodes de calcul RT une consommation inférieure au seuil du basse consommation. L’année suivante, la région décide de missionner le bureau d’études Enertech pour accompagner les maitres d’ouvrages sélectionnés par la région, dans l’idée ou l’attribution d’une subvention est insuffisante pour valider la performance des projets. Elle abandonne également la méthode de calcul RT et ses pondérations et impose la simulation thermique selon un cahier des charges précis. Elle prend aussi à sa charge les mesures d’étanchéité à l’air, en missionnant notamment Alsatech pour la réalisation des tests (et Wigwam pour la formation à l’étanchéité à l’air). Elle organise des conférences et édite des guides techniques destinés à promouvoir la basse consommation. L’année suivante, devant le succès de l’appel à projets et le nombre de candidats, elle peut se permettre de ne retenir que des projets passifs. La présentation faite aux assises à montré des bâtiments publics, du tertiaire, du bâtiment collectif… Près de 130 bâtiments aux performances du passif, cela essentiellement réalisé en deux ans, uniquement sur la Bourgogne… Soit plus que dans toutes les autres régions, et autant que de constructions passives référencées sur le territoire par LaMP.
– Le travail d’accompagnement proposé par la région ne se limite pas à disposer de quelques projets « référence » pour verdir un bilan de politique régionale. il vise à rendre la construction passive possible par le biais des appels à projets, qui ont déjà largement permis de mesurer que les surinvestissements à la construction sont d’autant plus réduits que les acteurs sont sensibilisés et acquièrent de l’expérience. Ainsi, il a été présenté un bâtiment tertiaire dont le cout de construction était même inférieur à une construction conventionnelle. Cela pousse la région à exiger pour ses appels d’offre publics une performance énergétique passive et imposer aux entreprises du bâtiment souhaitant y répondre l’obligation d’avoir suivi une formation sur la performance énergétique. Ce travail en amont, couplé à des exigences de résultats (La région finançant les tests d’étanchéité en interne, elle fait faire autant de tests d’étanchéité qu’il est nécessaire pour valider le résultat) donnent un signal fort aux entreprises de la région, afin qu’elles évoluent pour se doter des compétences.
– Le budget des appels à projets pour la Région est somme toute peu de chose au vu de l’enveloppe budgétaire d’une région. Celle ci a distribué un peu plus de 16 millions d’euros en trois ans, correspondant au coût des accompagnements et aux subventions accordées par la région aux projets de l’AAP. Au vu du pas de géant permis par cette initiative, le cout est très raisonnable (et donc facilement transposable).
Les assises ont été l’occasion d’autres interventions toutes très pertinentes. Notamment le président de la Plate forme Maison passive belge, qui par l’action concertée des acteurs du passif ont abouti à la construction passive comme objectif réglementaire en 2015, et Hermann Kaufmann, architecte précurseur du passif. J’y reviendrais peut être ultérieurement.
4 – Enseignements
En matière de perspectives pour la suite, je pense que nous pouvons en tirer plusieurs enseignements.
– D’une part, ce sont les Régions qui seront le vecteur principal du développement du passif sur le territoire Français. L’exemple de la Bourgogne est d’autant plus intéressant que cette région a poussé dans un premier temps le BBC et désormais soutient le passif. Le bilan de la région Bourgogne est d’abord du à l’initiative de Dominique Marie qui a su convaincre ses élus d’initier le mouvement, s’entourer de personnes compétentes pour les appels à projets, et dépasser ce cadre pour aujourd’hui viser la généralisation du passif sur son territoire. En cela, nous pouvons rapprocher cette action du Plan Bâtiment grenelle, très « parisienne » dans son approche, porte ouverte aux industriels qui trustent les commissions, dont on nous annonce une RT 2012 poussive pour début 2013. On peut aussi le rapprocher de l’évolution « moins disante » du BBC Effinergie, avec le retour des pondérations pour l’électricité;. Cela amène à se questionner : les Régions ont elles besoin du Plan Bâtiment du grenelle ?
La réussite la plus criante est venue de la région qui a dès 2008 abandonné le calcul RT 2005, adopté un facteur de conversion de 3 pour l’électricité et 0.2 pour le bois, imposé la simulation dynamique, le test d’étanchéité avec une valeur 0.6 en n50, qui va maintenant doter les entreprises du bâtiment des formations nécessaires à leur évolution et apporter par le biais des appels d’offres publics une généralisation de commandes en passif. Cela en 3 ans, et fonctionnel dès 2010 (alors que dans le même temps le BBC est toujours enlisé sur ses questions, et que ceux ci ne risquent pas d’être solutionnés avec la RT2012).
On peut imaginer que le mode opératoire de la Région Bourgogne sera présenté et expliqué aux autres régions, notamment grâce aux inter-clusters. Il y a de nombreux arguments à faire valoir. Le premier, c’est que le BBC est déjà subventionné par un crédit d’impôt et fonctionne bien puisque 20000 bâtiments sont dans une procédure de labellisation (selon les certificateurs). Pourquoi créer des appels à projets en BBC dans ce cadre ? Le deuxième argument, c’est le fait que l’état soit sourd au fait que le passif ne bénéficie d’aucune subvention actuellement, si ce n’est demander un label BBC souvent incompatible. Plutôt que d’attendre cette reconnaissance par l’état, les régions ont la possibilité de gommer cette injustice en orientant leurs appels à projets vers le passif.
– D’autre part, se profile la question du référentiel de référence. La maison passive France défend les outils logiciels PHPP et le référentiel de l’institut de la construction passive. La région Bourgogne a fait un autre choix, celui de la simulation dynamique (qui donne des résultats comparables en hiver, et dont l’approche estivale est beaucoup plus précise), mais avec un référentiel différent : le besoin utile de chauffage maximum est fixé à 20 kWheu/m².a, la consommation finale de chauffage à 25 kWhef/m².a, et tous usages à 100 kWhep/m².a. Par ailleurs, les températures de consignes restent à 19°C pour le résidentiel, et peuvent varier selon la destination du bâtiment. Ce qui fait que en ayant des objectifs proches, les démarches de la région bourgogne et de LaMP se télescopent car de nombreux projets bourguignons ne seraient pas labellisables au standard passif européen.
Sans compter le souhait évoqué par la directrice de Effinergie dans le Moniteur dernièrement de développer un label « Effinergie passif »… Faut-il le rappeler, l’ossature politique de Effinergie, c’est les régions. Si le souhait de Effinergie se comprend puisque avec la mise en place de la RT2012, le BBC devient obsolète, se pose la question du référentiel adopté et les méthodes de calcul. Les Régions développeront-elles par le biais d’Effinergie une procédure différente de la région Bourgogne et du label européen passif ou utiliseront-elles les référentiels existants ?
5 – Perspectives pour la suite
A mon sens, il ne sert à rien de ré inventer ce qui existe déjà. La Belgique par exemple, propose désormais pour la validation des critères passif du projet un calcul réalisé sur le PHPP et une vérification du confort d’été sous simulation dynamique, et adapte le référentiel selon le type de bâtiment (notamment par rapport aux consommations d’énergie tous usages). Le PHPP est distribué en France et depuis plusieurs années, La maison passive France forme les bureaux d’études et architectes à l’utilisation de ce logiciel, qui est pour la maison individuelle moins « lourd » que la simulation dynamique.
Par ailleurs, si plusieurs organismes pour la certification existent, les définitions doivent être compatibles, afin que régionalement, les appels à projets puisse les utiliser pour attribuer leurs aides.
Enfin, les moyens mis en place actuellement par la région Bourgogne peuvent et doivent être transposés rapidement, dans la même logique décrite précédemment, afin d’aboutir rapidement à une dynamique inter-régions partenaire du développement de la construction passive sur le territoire français.
Ce faisant, alors que la RT 2012 deviendra applicable avec probablement les mêmes tares que la RT 2005 (notamment sur son application réelle), on se rendra compte que la dynamique des bâtiments performants n’est plus ni au CSTB, ni au niveau des lobbyistes d’EDF ou GDF, ni même au niveau des législateurs des assemblées. Elle sera dans les politiques régionales et dans la constitution d’une filière construction passive au niveau des clusters.
Bon article, qui résume bien la situation. Pour se faire une idée des intervenants, des images ici : http://www.renopassive.fr/index.php?post/2010/04/01/ANCP-%3A-le-France-entre-l-Europe-et-les-r%C3%A9gions
J’ai édité le lien d’Antoine. 🙂
C’est vrai qu’à coté, mon article est pauvret en photos.
A signaler aussi que dans le dernier numéro de La maison écologique, la démarche passive en bourgogne est présentée.