La fonction première d’une habitation était de protéger ses occupants contre les aléas du climat et de leur fournir un abri contre les prédateurs. Ces fonctions ont évoluées aujourd’hui pour aboutir plutôt à : fournir un environnement thermique confortable en toute saison et assurer la sécurité des personnes et des biens. Nous ne nous concentrerons ici que sur l’aspect thermique. Une maison passive est littéralement une maison qui est capable de fournir cet environnement thermique confortable en toute saison uniquement grâce à l’usage de procédés dits « passifs » c’est à dire de procédés qui fonctionnent sans système ni surveillance.
L’origine du concept est donc aussi vieille que les premiers logements des humains primitifs. Seulement comme ces derniers ne cherchaient pas à obtenir le confort thermique mais juste un début de protection contre le climat, et qu’ils étaient originaires de climats chauds, leurs solutions étaient très modestes. A l’heure actuelle, une maison passive sous le climat français c’est une maison qui n’a ni chauffage ni climatisation et qui assure malgré tout un confort optimal en toutes saisons (pour les incrédules : si, c’est possible, les explications sont dans la suite de ce dossier).
D’où vient la maison passive ?
Obtenir le confort thermique en toute saison pose une évidence sur la nature des maisons passives : chacune de ces constructions est liée au climat pour lequel elle a été conçue. Dans les régions froides du nord, une maison passive signifie essentiellement « une maison qui se chauffe toute seule », alors que dans les régions tropicales, une maison passive est plus « une maison qui se rafraîchit toute seule ». Il est évident que les moyens nécessaires pour obtenir des résultats si différents seront très différents aussi. L’évolution récente du concept de maison passive est liée au développement technologique des riches pays du nord. Leur climat tempéré à tempéré-froid a forcé ces peuples à être ingénieux pour survivre dans un premier temps, et pour améliorer leurs conditions de vie ensuite. Construire des habitations qui ne surchauffent pas dans les régions tropicales a été acquis historiquement bien plus tôt que construire des maisons qui n’ont pas besoin de chauffage dans les régions tempérées. En effet, dès l’an mille les cultures des peuples qui vivaient par exemple aux environs du tropique du cancer en Afrique ont conçue des habitations qui procuraient cette forme de perfection thermique, avec des moyens d’ailleurs étonnamment simples. Depuis lors, ces solutions traditionnelles n’ont pas eu à évoluer car elles fournissent une solution idéale, tout en étant parfaitement intégrées d’un point de vue écologique.
En revanche dans les pays du nord de l’Europe, aux environs de l’an mille, les habitations restaient de maigres protections contre le climat, et personne ne songeait encore à rechercher un quelconque « confort » ! Le besoin de chaleur pendant toute la saison froide était fourni par des foyers à combustion de bois, primitifs et peu efficaces. Et on ne peut pas dire qu’il y ait eu de significatifs progrès à ce sujet pendant près d’un millénaire car même à l’heure actuelle, la quasi-totalité des habitations des pays tempérés est chauffée avec un système de combustion quelconque (ou un dérivé électrique, mais l’électricité elle-même étant majoritairement produite par combustion, ça revient au même). Certes, la performance de la combustion, la diffusion de la chaleur et le confort des habitations ont été grandement améliorées, notamment grâce à l’étanchéification des baies au moyen de fenêtres vitrées, mais ces progrès restent très récents d’un point de vue historique, et la consommation d’énergie reste colossale (et insoutenable d’un point de vue écologique). Les occidentaux n’ont d’ailleurs cherché à construire des maisons passives que très récemment, avec quelques essais marginaux à partir des années 1950, et surtout, après le crash pétrolier des années 1970. En effet, l’amélioration principale de cette époque consistait à substituer le chauffage à bois des maisons par un chauffage central à eau alimenté par une chaudière à pétrole, donc la diminution de la disponibilité du combustible a fait réfléchir sur d’éventuelles autres solutions.
La consommation d’énergie pour chauffer une maison dépend des facteurs suivants : combien de chaleur est perdue vers l’environnement, combien de chaleur est gagnée grâce au soleil, et combien de chaleur est gagnée grâce à la production interne (le tout par rapport à une température interne de confort).
Ceci nous amène à l’évidence suivante que pour diminuer la consommation d’énergie pour le chauffage, il existe trois possibilités :
- fournir plus d’énergie interne
- diminuer les pertes vers l’environnement extérieur
- augmenter le captage des apports solaires extérieurs
L’énergie interne est fournie par les habitants de la maison (nous autres humains animaux à sang chaud dispersons de la chaleur autour de nous en permanence), par leurs occupations et leurs appareils (cuisine, cuisson, électroménager, éclairage, etc.) et bien sûr par un système de chauffage. L’objectif étant de réduire la consommation de ce dernier, il faut agir sur les deux autres possibilités : conserver la chaleur interne, ou capter la chaleur externe (le soleil). Ou alors, augmenter le nombre d’habitants. En effet, il faut bien comprendre que la quantité de chaleur interne dépend largement de la quantité d’individus / par la surface. 15 personnes dans 15m² ne sont pas équivalentes à 2 personnes dans 100 m². La tendance moderne étant à l’agrandissement des surfaces occupées pour chaque individu cela rend d’autant plus importants les efforts à faire sur le bâtiment. Ainsi comme dans la démarche négawatt, le premier moyen d’aller vers le passif serait la sobriété : se contenter de moins de surface par personne.
Conserver la chaleur se fera par un travail sur la qualité de l’enveloppe que constitue la maison : l’isolation de ses murs et des fenêtres, et l’étanchéité à l’air notamment. Mais aussi par un travail sur sa ventilation. En effet, si la maison est rendue parfaitement étanche, il va être nécessaire de renouveler l’air puisqu’il est consommé par ses habitants. Cette opération peut disperser énormément de calories si rien n’est fait pour les conserver. La conservation de la chaleur est grandement limitée par le volume de l’habitation : plus elle est grande, et moins il y a d’habitants, et plus grande devront être ses performances. Il peut arriver d’ailleurs que les apports internes soient trop faibles pour qu’il soit possible de rendre la maison réellement passive, même avec une enveloppe ultra performante.
Capter la chaleur se fera par un travail sur le positionnement de la maison par rapport au soleil : position et tailles des fenêtres et de leurs protections solaires, choix des matériaux qui recevront le rayonnement, disposition des pièces. La maison doit être construite comme un capteur solaire pour générer une hausse de température interne grâce à l’effet de serre provoqué par les vitrages. Cette stratégie est limitée par la quantité de chaleur disponible à récupérer. Il n’est donc évidemment pas possible de faire une maison passive fondée sur ce moyen si la chaleur solaire disponible est plus faible que la chaleur nécessaire au total.
Ces deux démarches n’interviennent pas du tout sur les mêmes aspects du bâtiment. Elles peuvent théoriquement être complètement indépendantes : mais en pratique elles ont tout intérêt à être associées. Ainsi capter la chaleur solaire ne sera pas très utile si rien n’est fait pour la conserver. De même, conserver la chaleur peut conduire à des surchauffes si aucune réflexion n’a été portée sur la manière dont la maison capte la chaleur externe. Ceci nous amène enfin à l’évolution moderne du concept de maison passive. Les pays occidentaux les plus froids ont axés leurs recherches sur une priorité donnée à la conservation de la chaleur, car leur climat ne leur offre pas grand-chose à capter. En revanche les pays occidentaux plus chauds ont donné la priorité au captage du soleil qui leur est plus abondant. Ces différences se produisent alors même que l’objectif initial reste le même : fournir un confort thermique en toute saison, sans utiliser de systèmes actifs.
En Europe la majorité des pays se trouvent dans une zone tempérée froide pour laquelle la maison passive est synonyme de « maison qui n’a pas besoin de chauffage », mais les pays du sud se trouvent à la lisière des zones climatiques où les besoins de rafraîchissement deviennent prépondérants sur ceux de chauffage.
La France quant à elle se trouve à l’exacte limite entre les deux, ce qui explique peut-être en partie son retard à ce sujet car la plus grande diversité des solutions possibles dans notre climat rend les choix à faire plus difficile, et la démarche à suivre pour construire passif, moins évidente.
La construction de maisons passives aujourd’hui
Dans les années 1980, des expériences ont été faites en Allemagne dans le but de trouver des solutions technologiques pour construire des maisons à très faibles consommations énergétiques. Ces expériences ont été poursuivies dans les 10 années qui ont suivies, et ont finalement aboutis à l’avènement d’une démarche et d’un label à l’initiative du PassivHaus institut : la certification « PassivHaus ».
Cette démarche s’est développé plus que toute autre ces dernières années et rencontre un certain succès notamment dans les pays européens du nord, c’est pourquoi il est devenu courant actuellement que le terme « maison passive » soit associé à cette manière de faire. Il s’agit toutefois d’une utilisation restrictive du terme puisque la maison passive à l’allemande ne fonctionne telle quelle que sur des zones climatiques identiques. En outre lors de l’élaboration de la démarche passivhaus, il a été utilisé des systèmes de ventilation mécanique sophistiqués, avec succès, dans le but de traiter la question des pertes thermiques dues à la ventilation. Ainsi, il est pratiquement incontournable de trouver dans ce type de maison une ventilation mécanisée avec une double-flux dotée d’un échangeur de chaleur performant. Donc ces maisons ne sont en fait pas, strictement, des maisons « passives » puisqu’elles dépendent d’un système actif pour leur fonctionnement.
L’objet de cette remarque n’est pas de critiquer ces solutions, mais seulement de mieux comprendre la gêne qu’il peut y avoir aujourd’hui pour les spécialistes des pays sud-européens notamment à voir assimilés « maison passive » et passivhaus comme si les deux étaient strictement synonymes alors que ce n’est pas le cas, et qu’en outre les solutions technologiques de la démarche passivhaus ne sont pas universelles et sont avant tout adaptées aux climats tempérés froids.
C’est pourquoi nous, à Fiabitat, faisons habituellement une différenciation dans notre langage et parlons de « maisons passives » pour faire référence aux maisons dont la stratégie est majoritairement « conserver la chaleur », et de « maisons bioclimatiques » ou « maisons solaires » lorsque la stratégie qui prime est plutôt son captage.
Cette différenciation ne concerne que le cadre français actuel et est abusive, puisque comme nous l’avons vu, une maison passive n’est pas forcément conçue pour conserver au maximum la chaleur (si elle est construire dans un climat chaud par ex), et une maison bioclimatique peut tout à fait être « passive » dans le sens premier : si elle n’a pas besoin de système de chauffage. Nous utilisons quand même ces deux termes de cette manière pour arriver à faire comprendre facilement qu’il y a une différence fondamentale de démarche entre « conserver » et « capter » et que c’est cette différence qui explique aujourd’hui la complexité qu’il y a pour le néophyte à trancher les débats d’experts entre ceux qui arguent que l’isolation et l’étanchéité à l’air sont primordiales et que l’inertie est inutile, et ceux qui déclarent exactement l’inverse : ils ont tous raison !
Le problème vient uniquement de questions mal posées. Une maison passive est intimement liée à son climat, et ne signifie plus rien si elle est sortie de son contexte. Comme la France regroupe un ensemble de zones climatiques suffisamment différentes pour que les deux démarches soient pertinentes, il est normal qu’on retrouve des partisans de l’une ou de l’autre. La seule erreur qu’il ne faut pas faire c’est d’oublier qu’en matière d’habitat passif, une solution technique est fonction du climat où elle se trouve.
Merci pour cet article détaillé j’y vois un peu plus clair désormais. Très difficile de s’y retrouver aujourd’hui avec les systèmes énergétiques disponibles et le manque d’informations pertinentes au tribu de l’aspect commercial de la part des « conseillers ».