Comment s’évalue le rendement de récupération de chaleur d’une VMC double flux ?
En vous intéressant au sujet de la ventilation double flux, vous avez probablement vu des documentations commerciales mentionnant des taux de récupération d’énergie, Vous avez peut être vu le logo NF VMC sur certains produits, le logo passif sur d’autres, voire des rendements supérieurs à 100% annoncés sur certains types d’échangeurs… Cet article fait le point sur le sujet.
En introduction, on gardera à l’esprit que le sujet de la ventilation double flux est récent, et qu’il n’est donc pas anormal que l’observation des performances réelles des VMC, mené depuis quelques années, donne des résultats quelque fois divergeant des méthodes normalisées d’évaluation des rendements, qui sont antérieures et peuvent donc garder un coté un peu théorique.
Un peu d’histoire …
Au début des années 2000, alors que l’on commence à parler en France des bâtiments basse énergie (En Suisse le label Minergie -équivalent d’effinergie- est créé en 1997, les premières réalisations passives en Allemagne au début des années 1990 se traduiront par le référentiel Passivhaus, lancé en 2001), le marché français de la ventilation double flux n’est pas structuré. Il n’existe quasiment pas de produits facilement accessibles (mis à part les fabricants historiques français, qui proposaient des VMC qui n’existent plus aujourd’hui) ; les caissons sont volumineux, complexes à monter, le rendement de récupération de chaleur plafonne à 60%, les systèmes de conduits ne sont pas au point… Le sujet est véritablement balbutiant et à l’heure de la RT2000, le renouvellement d’air est assuré quasiment totalement par la VMC simple flux autoréglable : il n’y a quasiment aucune demande d’installation VMC double flux dans la construction neuve en France et quasiment pas de professionnels formés.
Plus généralement, la ventilation résidentielle en général est balbutiante, et par rapport à nos voisins européens, il n’y a pas de métier « Aération du logement » : le métier se limite à poser des VMC « classiques ».
Il existe déja à cette époque une norme européenne, la NF EN 13141-7 (dont l’objet est la caractérisation des performances du caisson de ventilation double flux), elle évalue, dans des conditions spécifiques, le rendement de la VMC double flux, que l’on appellera rendement « normalisé ». Mais très peu de fabricants procèdent à des tests par un laboratoire indépendant. Quelque fois il n’y a aucun rendement sur la documentation commerciale, quelque fois il y a un chiffre de donné, mais sans explication sur sa provenance. Quelque fois le rendement donné est artificiellement haut, en utilisant des artifices (test avec un air saturé d’humidité par exemple).
L’une des problématiques posée est celle des outils de calcul thermique. En effet, s’il serait pertinent que les performances des produits soient annoncés sur des protocoles identiques, ce serait encore mieux si le rendement utilisé dans les logiciels correspondait au rendement moyen sur l’hiver. A cette époque, l’influence des conditions de mise en œuvre est mal connue : les sources de dysfonctionnement, de perte de rendement ne sont pas évaluées. Par exemple, encore aujourd’hui la norme européenne utilise pour son protocole de mesure comme hypothèse que le caisson est disposé dans un local à 20°C. Si dans les faits le caisson est disposé dans un local non chauffé, le résultat obtenu fonctionne t-il encore ? Si les calories du local réchauffent l’air qui circule dans le caisson (auquel cas le rendement donné n’est plus uniquement l’efficacité de la VMC), n’y a t-il pas surévaluation du rendement réel ?
Tous ses questionnements légitimes ont pour point de départ l’étude du comportement thermique des bâtiments basse consommation, et il apparaît assez vite qu’il y a des difficultés pour corréler les résultats calculés avec les observations réelles. Elles mettent en effet en lumière différents impacts jusque la pas correctement prises en compte, ce qui induit des résultats réels non satisfaisants :
sur le lien entre étanchéité à l’air et ventilation double flux en premier lieu : l’absence d’étanchéité à l’air du logement court circuite la récupération de chaleur potentielle du logement, l’efficacité et le confort sont grandement amoindris.
sur l’importance fondamentale de l’étanchéité à l’air du caisson et la qualité de son isolation : il est observé que le caisson de ventilation peut représenter une cause de fuites d’air significative, avoir une influence significative sur la température d’air résultante, et augmenter les déperditions de chaleur (si le caisson est peu isolé, l’air froid du rejet est réchauffé par la chaleur du local et évacuée dehors).
sur la prise en compte de l’humidité : comme facteur de dysfonctionnement avec la condensation dans le caisson ou les conduits de soufflage qu’il faut évacuer, le gel de cette humidité en hiver, comme facteur de récupération de chaleur (changement d’état de la vapeur d’eau qui condense qui produit un dégagement de chaleur)
Il y a donc eu ces dernières années de nombreuses initiatives pour mieux appréhender le fonctionnement des systèmes de ventilation :
Par les logiciels de calcul thermique, qui prennent en compte plus de paramètres d’entrée
Par les fabricants, qui recourent plus systématiquement par l’évaluation du produit avant sa mise sur le marché.
Par les labels (démarche BBC, passive), qui fixent des performances seuils, qui favorisent les meilleurs produits
A ce jour, la plupart des produits adaptés à la construction basse énergie disposent d’une documentation technique précisant le rendement du produit. On va retrouver essentiellement 2 types d’affichage, le rendement sur air neuf (NF), et le rendement sur air extrait (démarche passive).
Le rendement sur air neuf
Pour résumer, le rendement sur air neuf est la donnée la plus commune, qui établit un rendement en comparant la température en entrée de centrale et celle en sortie. Si le rendement est indiqué selon une norme (la EN 13141-7 ou la EN 308), cela signifie que celui ci est établi en prenant pour base le protocole de la norme, qui précise la température du local, température d’air extrait et air entrant
Il se détermine ainsi :
ηt = (T°C Air insufflé – T°C Air Neuf) / (T°C Air Extrait – T°C Air Neuf)
Si vous consultez un produit vous pouvez retrouver 3 situations :
le rendement est déclaratif
En général, le dit fabricant indique juste « rendement > 90% » et n’indique aucune certification.
La plupart du temps un fabricant qui ne s’engage pas dans une démarche de faire réaliser par un labo tiers les performances de son produit doit voir ses résultats annoncés pris avec des pincettes.
Sur une construction neuve, les rendements déclaratifs sont considérés obligatoirement à 50%
le rendement est certifié NF 13141-7, ou NF VMC
2 situations se présentent : soit le fabricant a fait réaliser des tests par un labo indépendant (français ou allemand en général) et peut donc produire le PV de test. Soit il a en plus fait la démarche de faire certifier NF VMC l’ensemble des composants de son installation (via l’organisme CERTITA). Dans les 2 cas, les rendements établis peuvent être utilisés sans décote dans la RT2012.
le protocole de test utilise la NF EN 13141-7 /2004 (sauf pour les VMC nouvellement certifiées à partir de 2019)
o T air neuf = 5°C (¨7°C à partir de 2019)
o T sèche air extrait = 25°C et température humide air extrait inférieure à 14°C (soit une HR inférieure à 30 %) – (21°C à partir de 2019)
o Différence de pression totale aux bornes du groupe de 50 Pa.
Conditions particulières des essais :
o Débits volumiques équilibrés (±10% pour la même pression disponible)
o Débit d’essai : 120 m3/h (1 salle de bains, 2 WC et 1 salle d’eau par exemple)
o Ventilateurs en marche, débit éventuellement ajusté à l’aide de ventilateurs d’appoint.
La différence entre les 2 tient dans l’une est une méthode de mesure, et l’autre une norme fixant des exigences minimales à valider.
la NF VMC a actuellement du plomb dans l’aile (ajout 04/2020)
Certita qui gérait la certification NF VMC a fusionné avec Eurovent, et toutes les informations visibles sur le site Certita ont disparu pour être rangées dans un fond du site eurovent (dont l’ergonomie est juste catastrophique, et qui n’est même pas traduit en français, pour ceux qui souhaitent tenter leur chance, c’est ici ). Jusque la, on pouvait considérer l’initiative des fabricants de proposer une norme de qualité intéressante mais dans les faits celle ci aura été très souvent boudée par les fabricants pour son coût, sa lourdeur, la nécessité de refaire régulièrement la démarche pour conserver l’agrément, et surtout le fait que peu de démarches de certification bâtiment font référence à cette norme.
le rendement selon la directive ErP
Vous avez probablement déjà croisé cet affichage énergétique, qu’il est obligatoire pour un fabricant de faire figurer sur les VMC depuis 2016. Celui ci permet au consommateur d’avoir une base de comparaison sur toutes les VMC vendues en Europe.
En plus de cette affichette, le fabricant doit indiquer dans un tableau récapitulatif une vingtaine de données caractérisant son produit.
Voir également : texte de la directive ErP (source Xpair)
Sans rentrer dans les détails de cette directive, nous retiendrons plusieurs choses :
- les données produites par les fabricants sont déclaratives
- Les classe énergie favorisent dans l’affichette de la classe les caissons combinés à des sondes ou bouches hygroréglables (via un bonus au rendement de 5 à 10%, ce qui est pour le moins arbitraire)
- Les rendements différent du protocole de la NF VMC*
*Plusieurs différences notables : le protocole retenu est celui de la NF EN 13141-7 / 2011, qui modifie les conditions de mesure (+7°C / +21°C contre +5°C / +25°C auparavant). Le débit d’air n’est pas testé à 120 m3/h mais à 70% du débit maximal du caisson.
Aussi si vous avez en main une VMC qui dispose d’une certification NF VMC et d’une déclaration ErP, vous constaterez que les rendements affichés diffèrent. (exemple ALDES Dee fly cube certifiée NF à 90% en 2012 – et affichée à 78% sur l’ErP (et 87% avec bouches hygro)
Voir également notre article : quels rendements VMC DF saisir dans le cadre de la RT2012 ?
Rendement normalisé = rendement moyen ?
Nous arrivons ici au cœur du sujet. Est ce que les rendements affichés peuvent permettre d’évaluer le gain de la solution dans un bilan thermique ? Si le fait que la plupart des produits sont affichés avec un rendement établi sur des bases semblables est un aspect très positif, reste la question entière de la compatibilité entre rendement normalisé et rendement moyen sur l’hiver.
Les rendements mesurés sur air neuf sont souvent considérés comme trop favorables à cause de différents facteurs :
L’hypothèse d’une température de local à 20°C : cela revient à inciter les concepteurs des produits à ne pas trop isoler les caissons et à allonger l’espace entre le piquage de la VMC et l’échangeur. De même, si un caisson est peu étanche à l’air, cela peut donner une température d’air mesurée proche de 20°C.
L’efficacité des moteurs des ventilateurs : moins ils sont efficaces et plus cela augmente le rendement.
Comment fonctionne la VMC si les températures sont négatives, (le test est fait à +5°C). On peut avoir des VMC équipées de batteries antigel électriques peu efficaces, des risques de dysfonctionnement par le givre… Tout cela impacte le rendement moyen
Le problème est donc ici : lorsque l’institut Passivhaus commence à instrumenter les maisons passives pour en tirer un logiciel de calcul prévisionnel, ils s’aperçoivent que les VMC ont des performances réelles bien inférieures à ce que promettent les rendements normalisés.
Pour éviter les biais listés plus haut, le Passivhaus Institut décide au début des années 2000 de certifier les matériels dédiés aux maisons passives. L’idée est la suivante : lorsque l’on mesure le rapport entre l’air entrant et l’air sortant, tous les biais favorisent les caissons peu efficients. Mais si l’on mesure plutôt le rapport entre l’air extrait et l’air rejeté tous les biais vont défavoriser les caissons peu efficients.
A ce jour, la certification passive d’un produit est le Graal pour un fabricant de VMC.
Le rendement sur air extrait de l’échangeur
ηREC,t,eff = ((T°C Air Extrait – T°C Air Rejet ) + P électrique / m · cp)/( T°C Air Extrait – T°C Air Extérieur )
P électrique => puissance du ventilateur
cp => chaleur spécifique de l’air
Condition de mesure = idem NF EN 13141-7
Lorsqu’un produit est certifié passif, il se doit de respecter les procédures suivantes :
Principales exigences :
o Puissance pondérée inférieure à un niveau défini, affichée en wh/m3 pour les deux ventilateurs
o Efficacité thermique selon le PHI mesuré sur le rejet avec tous les composants du caisson (filtre, échangeur, by pass fermé, batterie) supérieur à 75%.
o Température d’air insufflé à 16.5°C minimum sur des conditions de température +21°C intérieur et -10°C extérieur.
o Fuites externes et fuites internes inférieures à 3% du débit maximal
o Acoustique mesurée 35 dB(A) en bruit rayonné dans le local, et 25 dB(A) à l’aspiration dans les pièces de vie / 30 dB(A) sur les pièces d’eau.
o Filtre à l’insufflation au minimum F7, extraction au minimum G4
Voir aussi :
Protocole de contrôle des caissons (français) – Procédure complète (anglais)
Liste des matériels homologués passifs
Prendre en compte le rendement réel de la VMC est fondamental : les différences d’environ 10% constatées induisent des consommations énergétiques différentes. Il est donc usuellement conseillé de tenir compte soit d’un certificat du Passiv Haus Institut lorsqu’il existe, soit retirer forfaitairement 12% au rendement annoncé par le fabricant, s’il ne fait pas l’objet d’une certification.
La création de cette certification passive constitue un gage d’excellence pour la performance thermique du caisson, qui aura réussi son pari de faire évoluer la quasi totalité des industriels fabricants de caissons. Ainsi à ce jour on compte 127 caissons certifiés passifs (contre 23 seulement ayant demandé la NF VMC, largement moins exigeante puisque l’étanchéité à l’air y est 3 fois plus permissive).
On voit également, sur la question de la convergence entre rendement normalisé et rendement moyen qu’il y a régulièrement 10% d’écart entre les 2 méthodes d’évaluation, ce qui sous tendrait que les logiciels de calcul qui s’appuient sur la première méthode (RT2012 notamment) surévaluent l’efficacité réelle de la VMC double flux. Enfin, cela permet de mieux différencier les produits ayant une excellente performance.
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