1- LES POLLUANTS RADIOACTIFS
La radioactivité dans les habitations est un problème qui s’est posé de tous temps, mais nous n’en avons conscience que depuis que nous savons la mesurer, bien entendu. Au départ la radioactivité est naturelle, certains minerais sont naturellement radioactifs à forte dose comme l’uranium, le radium ou encore le thorium. Ces minerais ne rentrent pas dans les matières premières d’une maison, mais ils sont présents dans la nature et leur proximité augmente la radioactivité naturelle de tout ce qui les entoure. Mais ce n’est pas la plus grande source de pollution radioactive, les particules radioactives naturelles les plus courantes (et dangereuses) sont présentes dans l’air sous forme de gaz : le radon.
Le radon
Ce gaz est issu de la décomposition naturelle de certains isotopes radioactifs (rappel : la radioactivité est un procédé de destruction d’une matière en une autre, c’est pour cela qu’on parle demi-vie, c’est la période qu’il faut à la moitié de la matière de départ pour se transformer via émission de radiations, en une autre. Le résultat de la transformation peut, lui aussi, être radioactif et ce jusqu’à obtenir au final un composé stable).
Au départ il y a dans l’écorce terrestre de l’uranium, il est présent partout en quantité variables. L’Uranium 238 se transforme via désintégration radioactive en Radium 226, qui lui se transforme en Radon 222, puis polonium 218, plomb 214, bismuth 214, polonium 214 et enfin plomb stable. Tous ces composants sont donc radioactifs puisqu’ils se désintègrent progresivement en un autre composé. Seul le plomb stable final n’est plus radioactif, il est cependant toxique quand même mais c’est un autre problème. Pour résumer, la radioactivité pose deux problèmes :
Le danger des radiations
les radiations sont de plusieurs types, et, pour les matériaux radioactif naturels, ne sont pas dangereuses en l’état car elle sont très diffuses et ne traversent pas le corps. Sauf bien sûr dans des zones riches en minéraux radioactifs comme les mines d’uranium.
Le danger toxicologique
Les atomes radioactifs peuvent se retrouver dans l’organisme après absorption, soit par la respiration (comme le radon gazeux par ex), soit par ingestion (en mangeant de la nourriture ayant poussé dans des zones fortement contaminées en matières radioactives solides par ex, ou en buvant de l’eau elle-même polluée de la même manière). Une fois ingérée, la matière radioactif peut poser deux problèmes, d’abord celui des radiations qu’elle émet, et qui se trouve alors à l’intérieur du corps, dans ses parties les plus fragiles, ensuite par la nature même de la matière, qui peut prendre la place d’autres atomes dans les molécules utilisée par l’organisme et avoir dans ce cas éventuellement des effets toxiques d’un point de vue chimique (exemple : le plomb).
Ainsi, certains composés que l’humanité a produit artificiellement, comme le plutonium, peuvent cumuler des effets toxiques chimiques avec des émissions radioactives et de ce fait devenir les matières les plus dangereuses pour notre forme de vie qu’il puisse exister. Mais ces matières artificielles ne se retrouvent pas dans nos maisons, le radon par contre est présent partout, en concentrations diverses. Le site de construction et parfois même les matériaux utilisés, vont relâcher dans l’air des quantités variables de radon pendant toute leur existence. Il est souvent dit que seules les régions granitiques sont concernées par ce problème mais c’est complètement faux : elles sont plus propices, c’est tout et encore ça dépend des caractéristiques des roches. Seulement, l’isolation et surtout l’imperméabilisation croissante des maisons en vue d’économiser l’énergie ont concentré les doses de radon dans toutes les habitations. Et dans les cas de ventilation particulièrement mal conçues ou mal entretenues, les doses de radon dépassent de beaucoup celles des régions granitiques et accessoirement, les normes, qu’elles soient de l’OMS ou françaises.
Rappel des normes :
La radioactivité est mesurée en becquerels, abrégé Bq. 1 Bq signifie une désintégration par seconde, chaque désintégration émet des « rayons ». La radioactivité c’est le « bruit » total provoqué par toute les désintégrations, il va de soi que plus ce chiffre est élévé, plus le danger est grand.
- Norme des USA : 150 Bq/m3 dans les maisons
- Recommandations européennes : 200 Bq/m3 dans les nouvelles maisons et 400 Bq/m3 dans les anciennes (nda : ce n’est pas parce que vous vivez dans une ancienne maison que les radioactivité est moins dangereuse ! cette norme vise uniquement à empêcher les pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités et de fournir aux citoyens le moyens de mettre toutes les habitations à un seul de danger minimum)
- Norme en Suède : action obligatoire au delà de 200 Bq/m3
- Norme canadienne : 70 Bq/m3
- Recommandation françaises :agissez au delà de 400 Bq/m3, et au delà de 1 000 Bq/m3, une action urgente est impérative.
On voit que les seuils de danger ne font pas consensus… En matière de radioactivité il n’y a qu’une seule règle à retenir : Il en faut LE MINIMUM possible. Par ailleurs, les concentrations de radon peuvent varier très fortement dans chaque habitation et dans chaque région. Des mesures récentes de l’ACIRAD (Association pour le Contrôle et l’Information sur la RADioactivité en région centre) ont mis en évidence des valeurs très élevées de 4 000 à 5 000 Bq/m3 dans des caves tout ce qu’il y a de plus banales. De telles concentrations génèrent inévitablement des taux élevés de radon dans les lieux de vie situés au-dessus.
En conclusion n’attendez plus : faites tester votre habitation quelle qu’elle soit et où que vous vous trouviez en France. Notez que pour les enfants et les fumeurs, le risque d’avoir un cancer du poumon à cause du radon est encore plus grand (ceci dit, avant de se préoccuper du radon le fumeur devrait commencer par arrêter de fumer…).
Effets sur la santé :
Le radon n’est dangereux que s’il est respiré, en effet, le Radon 222 est le seul composé de la liste de transformation de l’uranium ci-dessus qui est gazeux. Il est donc possible de respirer ce gaz, et les particules ionisantes de radon sont alors emprisonnées dans les poumons qui n’ont aucun moyen de les réduire. Le radon inspiré poursuit son cycle de transformation et se transforme dans les poumons en des composés radioactifs qui eux, sont solides, comme le polonium, le bismuth ou le plomb. Ces composés continuent leur cycle radioactif bloqués dans les poumons ce qui finit invariablement par provoquer un cancer.
Moyens pour résoudre le problème :
Il faut savoir que le cyle de demi-vie du radon est très court, 3,8 jours, et que c’est le seul de la série qui soit gazeux donc, pour s’en débarasser il faut ventiler en permanence. Ce n’est pas une manière de polluer l’air ou de polluer son voisin, car rapidement le radon va se transformer en polonium qui n’est plus gazeux. Tous ces composés sont naturels et générent ce qu’on apelle la radioactivité naturelle qui est parfaitement normale et que notre orgnisme sait combattre si il se trouve dans des conditions acceptables (en dehors des zones particulièrement contaminées commes les mines d’uranium donc).
Du coup il n’y a qu’une seule possibilité pour résoudre le problème du radon, il faut repenser la ventilation. Le problème est que plus on augmente la ventilation et plus on perd d’énergie (la chaleur de la maison) lors des échanges, c’est donc un compromis à atteindre. Il est aussi possible de faire une ventilation passive au niveau des fondations de la maison (ou de son vide sanitaire, ou de sa cave), cette circulation d’air chasse le radon et comme elle n’est pas reliée à la l’intérieur de la maison la déperdition thermique est minime. Il peut aussi être mis en oeuvre des moyens pour colmater les soubassements de la maison (dans le cas où elle est contruite sur une ancienne cave par exemple). Attention cependant, si les colmatages n’ont d’autres but qu’enfermer le radon dans une poche c’est une erreur car il finira tôt ou tard par s’en échapper et il se sera entre-temps concentré… Le colmatage doit obligatoirement s’accompagner d’une ventilation de la zone contaminée.
Important : Il faut bien se mettre en tête que le radon est un problème universel, et que tout le monde est concerné. Les mesures de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) chargé d’établir la carte de danger du radon en France ne sont pas représentatives. Alors qu’il faudrait au minimum effectuer 40 000 mesure sur tout le territoire, depuis 1982 seulement 12 641 mesures ont eu lieu. Par ailleurs ces mesures servent à constituer des moyennes ce qui est dans le cas de la radioactivité un non-sens : le chiffre obtenu pour un département est bien sûr assez faible mais ça ne retire rien au danger des zones très localisées ou la radioactivité est très forte. La stratégie première de l’ex-IPSN devenu IRSN pour le radon était la suivante : le sous-sol est granitique ou rocheux volcanique ancien = radon, le reste = pas de soucis. Malheureusement les mesures actuelles ont montré que des régions à priori non concernées le sont quand même et que ce raisonement simpliste est faux. Les vals de fleuves et rivières qui contiennent des alluvions de marnes (calcaire+argile) peuvent générer dans des enceintes confinées des teneurs de radon très dangereuses. C’est le cas en Alsace et en Lorraine, ainsi que dans le Val de loire, notamment l’Orléanais et la Sologne. En conclusion, faites le test, une mesure de radon c’est un film sensible qu’on entrepose pendant deux mois et ça ne coûte que 30 euros. Votre vie et celle de votre famille vaut bien 30 euros, non ?
Pour faire faire un test de radon prenez contact avec l’association de contrôle de radioactivité la plus proche de chez vous, si vous n’en connaissez pas, prenez contact avec la crii-rad. Il est important de passer par des associations indépendantes de l’Etat car en France le nucléaire civil étant très développé, l’Etat n’a aucun intérêt à fournir les moyens à tout un chacun de contrôler sérieusement la radioactivité.
La pollution radioactive est aussi générée par l’industrie nucléaire (civile et militaire), bien sûr, mais aussi et c’est beaucoup moins connu par l’industrie classique comme par exemple :
- des industries de production d’engrais et d’armes (ce sont les mêmes usines qui produisent les uns et les autres)
- des industries de production de matériaux céramiques et réfractaires.
- des usines de métallurgie fine qui utilisent du zirconium et de l’hafnium, ainsi que du thorium pour l’industrie aéronautique.
- et des usines de productions diverses comme des pierres à briquet, pigment de peinture, baguettes de soudure etc.
Nous ne nous pencherons pas sur les problèmes de pollution générale et de protection des travailleurs dans toutes ces industries (ils sont présents quand même) mais seulement sur ceux des industries céramiques, dont la production est utilisée dans la construction.
Les verres et céramiques
Les verres et céramiques sont issus de matériaux naturels qui sont purifiés, puis cuits. Les matériaux de départ sont plus ou moins radioactifs naturellement, seulement les opérations de traitements qu’ils subissent baissent parfois ces émissions (en enlevant les particules qui sont le plus actives) ou au contraire les augmentent (en enlevant celles qui le sont moins, ce qui par effet de concentration augmente l’activité générale). Inutile de préciser que ces industries ne se penchent pas en priorité sur la radioactivité mais plutôt sur la couleur ou les performances techniques des matériaux obtenus. Ainsi, les carrelages en céramique peuvent avoir des taux de radioactivité très élevés, et c’est fréquent, ainsi que les vitrages et tous les produits issus des ces industries (faïences, isolant en fibre minérales ou fibre de verre etc.).
Effets sur la santé :
Contrairement au radon qui est très dangereux mais seulement si on le respire, ces matériaux n’émettent pas de particules que l’on pourrait absorber (sauf en cas de destruction, coupure, rayures, broyage et autres). Ils émettent un rayonnement permanent dont les effets ne sont pas très originaux : baisse des défenses immunitaires et cancers. La radioactivité de ce type est cumulative, c’est à dire que plus les radiations sont puissantes ou plus elles sont régulières, et plus les risques sont grands. Chaque matériau pris séparément peut être en deçà des tolérances, au total la concentration dans la maison sera bien au-dessus. Et d’ailleurs au sujet du nucléaire, la réelle signification des normes ne fait pas consensus dans le milieu scientifique (voir plus haut les écarts énormes entre les normes internationnales).
Moyens pour résoudre le problème :
Le particulier n’a pas vraiment de solution pour éviter d’avoir dans sa maison des verres ou céramiques radioactives puisque personne ne les teste. Il existe quelques appareils bon marché qui peuvent donner un aperçu du rayonnement gamma sur les longeurs d’ondes courantes pour ces matériaux, mais ce type d’appareils n’est pas très précis et une radioactivté anormale mise en évidence avec ce moyen ne doit être que le préalable à une enquête plus poussée menée par des spécialistes. Sans réel moyen de test, le particulier peut simplement tenter de réduire le nombre de matériaux à risque dans sa maison : remplacer le choix d’un carrelage industriel par celui d’un carrelage terre cuite pure non transformé, ou par celui d’un parquet en bois, ou d’un lino naturel.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas trop se focaliser sur ce risque : le danger d’un carrelage radioactif est infinement moindre que celui posé par le radon. L’organisme humain est naturellement protégé contre les rayonnement externes de faible puissance comme ceux-ci. Par contre, les citoyens peuvent tenter d’obtenir de la part des pouvoir publics des décisions claires pour permettre aux consommateurs d’être informés sur les produits qu’ils achètent, et pour obliger les indutriels à être attentifs à ces questions.
Important :
En France tout ce qui tourne autour du nucléaire est particulièrement mystifié. À l’heure actuelle, aucun organisme de l’état ne se préoccupe de ce problème et les entreprises ne sont même pas tenues ni de demander une quelconque autorisation ni de prévenir leur client de la nature du produit. Il y a d’ailleurs depuis plusieurs années une lutte en cours entre la Crii-rad et les industries St Gobain au sujet de laine de verre radioactive. Nous devons préciser également que les industries utilisent fréquemment le secret industriel pour transformer des déchets embarrassants (des TFA, très faible activité, par exemple) en « adjuvants ». Certains vont jusqu’à vanter leurs efforts dans ce qu’ils nomment du recyclage…
Bonjour,
En lisant cette page, j’ai eu envie de vous faire part de mon expérience concernant la radioactivité des matières réfractaires. Les faits remontent à plus de 20 ans. J’étais responsable de la qualité de la filiale belge d’une grande société internationale, leader mondial de la production de poudres métalliques. Après l’accident de Tchernobyl, nos clients nous ont demandé de garantir que nos produits n’étaient pas radioactifs, car nous recevions des matières premières du monde entier, notamment de Russie. Nous nous sommes alors équipés d’un détecteur de radioactivité, et je me suis entraîné à l’utiliser. Il est apparu qu’il n’y avait pas de radioactivité significative dans les ateliers de production (à part quelques éléments réfractaires particuliers, mais à faible niveau d’émission). Par contre, il y en avait beaucoup plus dans les bureaux, et après une recherche plus poussée, je me suis rendu compte que les carrelages étaient en cause. Il y avait beaucoup de sortes, et l’intensité variait d’un type à l’autre. J’ai fait part de mes découvertes au spécialiste qui venait justement faire le contrôle annuel de notre spectromètre à rayon X. Il m’a dit être au courant, ajoutant que depuis Tchernobyl, les entreprises sidérurgiques avaient été équipées d’arceaux pour contrôler les camions qui livraient les matières premières métalliques. Par contre, ceux qui livraient des réfractaires n’étaient pas soumis à ce contrôle, parce que les détecteurs auraient sonné systématiquement !!! Je suis allé quelque temps après chez notre fournisseur de réfractaires et j’ai pu tester séparément tous les constituants entrant dans la composition des matériaux que nous leur achetions. J’ai alors constaté que c’était la bauxite qui était la plus radioactive, notamment celle qui venait d’Afrique qui émettait très fortement. Les responsables de cette usine m’ont dit qu’ils n’étaient pas au courant. D’ailleurs aucune précaution n’étaient prises par les ouvriers pour se protéger. La poudre disposée en énormes tas placés en plein air était manipulée avec des pelles mécaniques. J’ai alerté tous ceux que j’ai pu, mais je ne suis pas sûr d’avoir été entendu. Dans mon entreprise, j’avais demandé que les pièces en réfractaire un peu radioactives ne soient pas stockées en trop grande quantité dans des zones très fréquentées, mais personne n’en a tenu compte. J’avais aussi envoyé des échantillons à la CRIIRAD, mais je n’en ai plus entendu parler.
La radioactivité ne se voyant pas, les gens s’en moquent, y compris ceux qui sont exposés pendant leur travail. C’est désolant.